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Fable de Lafontaine (L’Astrologue qui se laisse tomber dans un puits)
L’Astrologue qui se laisse tomber dans un puits
Jean de La Fontaine
LIVRE DEUXIESME
XIII.
L’Aſtrologue qui ſe laiſſe tomber dans un puits.
Un Aſtrologue un jour ſe laiſſa choir
Au fonds d’un puits. On luy dit : Pauvre beſte,
Tandis qu’à peine à tes pieds tu peux voir,
Penſes-tu lire au deſſus de ta teſte ?
Cette avanture en ſoy, ſans aller plus avant,
Peut ſervir de leçon à la pluſpart des hommes.
Parmi ce que de gens ſur la terre nous ſommes,
Il en eſt peu qui fort ſouvent
Ne ſe plaiſent d’entendre dire,
Qu’au Livre du Deſtin les mortels peuvent lire.
Mais ce Livre qu’Homere & les ſiens ont chanté,
Qu’est-ce que le hazard parmi l’Antiquité ?
Et parmi nous la Providence ?
Or du hazard il n’eſt point de ſcience.
S’il en eſtoit, on auroit tort
De l’appeller hazard, ni fortune, ni ſort,
Toutes choſes tres-incertaines.
Quant aux volontez ſouveraines
De celuy qui fait tout, & rien qu’avec deſſein,
Qui les ſçait que luy ſeul ? comment lire en ſon ſein ?
Auroit-il imprimé ſur le front des étoiles
Ce que la nuit des temps enferme dans ſes voiles ?
A quelle utilité, pour exercer l’eſprit
De ceux qui de la Sphere & du Globe ont écrit ?
Pour nous faire éviter des maux inévitables ?
Nous rendre dans les biens de plaiſirs incapables ?
Et cauſant du dégouſt pour ces biens prévenus,
Les convertir en maux devant qu’ils ſoient venus ?
C’eſt erreur, ou plutoſt c’eſt crime de le croire.
Le Firmament ſe meut ; les Aſtres font leur cours ;
Le Soleil nous luit tous les jours ;
Tous les jours ſa clarté ſuccede à l’ombre noire ;
Sans que nous en puiſſions autre choſe inferer
Que la neceſſité de luire & d’éclairer,
D’amener les ſaiſons, de meurir les ſemences,
De verſer ſur les corps certaines influences.
Du reſte, en quoy répond au ſort toujours divers
Ce train toujours égal dont marche l’Univers ?
Charlatans, faiſeurs d’horoſcope,
Quittez les Cours des Princes de l’Europe.
Emmenez avec vous les ſouffleurs tout d’un temps.
Vous ne meritez pas plus de foy que ces gens.
Je m’emporte un peu trop ; revenons à l’hiſtoire
De ce Speculateur, qui fut contraint de boire.
Outre la vanité de ſon art menſonger,
C’eſt l’image de ceux qui baillent aux chimeres,
Cependant qu’ils ſont en danger,
Soit pour eux, ſoit pour leurs affaires.
Fables de La Fontaine : Barbin & Thierry | Georges Couton
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L'ASTROLOGUE QUI SE LAISSE TOMBER DANS UN PUITS
Un astrologue un jour se laissa choir
Au fond d'un puits. On lui dit : « Pauvre bête,
Tandis qu'à peine à tes pieds tu peux voir,
Penses-tu lire au-dessus de ta tête ? »
Cette aventure en soi, sans aller plus avant,
Peut servir de leçon à la plupart des hommes.
Parmi ce que de gens sur la terre nous sommes,
Il en est peu qui fort souvent
Ne se plaisent d'entendre dire
Qu'au Livre du Destin les mortels peuvent lire.
Mais ce livre qu'Homère et les siens ont chanté,
Qu'est-ce que le hasard parmi l'antiquité,
Et parmi nous la Providence ?
Or du hasard, il n'est point de science :
S'il en était, on aurait tort
De l'appeler hasard, ni fortune), ni sort,
Toutes choses très incertaines.
Quant aux volontés souveraines
De celui qui fait tout, et rien qu'avec dessein,
Qui les sait, que lui seul ? Comment lire en son sein ?
Aurait-il imprimé sur le front des étoiles
Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles ?
A quelle utilité ? Pour exercer l'esprit
De ceux qui de la Sphère et du Globe ont écrit ?
Pour nous faire éviter des maux inévitables ?
Nous rendre, dans les biens, de plaisir incapables ?
Et, causant du dégoût pour ces biens prévenus,
Les convertir en maux devant qu'ils soient venus ?
C'est erreur, ou plutôt, c'est crime de le croire.
Le firmament se meut ; les astres font leur cours,
Le soleil nous luit tous les jours,
Tous les jours sa clarté succède à l'ombre noire,
Sans que nous en puissions autre chose inférer
Que la nécessité de luire et d'éclairer,
D'amener les saisons, de mûrir les semences,
De verser sur les corps certaines influences.
Du reste, en quoi répond au sort toujours divers
Ce train toujours égal dont marche l'univers ?
Charlatans, faiseurs d'horoscope,
Quittez les cours des princes de l'Europe;
Emmenez avec vous les souffleurs tout d'un temps.
Vous ne méritez pas plus de foi que ces gens.Je m'emporte un peu trop : revenons à l'histoire
De ce Spéculateur qui fut contraint de boire.
Outre la vanité de son art mensonger,
C'est l'image de ceux qui bâillent aux chimères ,
Cependant qu'ils sont en danger,
Soit pour eux, soit pour leurs affaires.===================
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Commentaires
bonjour Nadia voilà une fable de La fontaine que je ne connais pas du tout . une découverte . bonne journée à bientôt
Soleil et douceurC'est bon pour le moralJe te souhaite une bonne journéeTi bo mièlBisous/amitiésAh, ah, je pense que tout un chacun, à commencer par ceux qui nous gouvernent ou on prétention à le faire, devraient se "replonger" de temps à autre dans la lecture des Fables de notre bon La Fontaine, (d'ailleurs n'est ce pas la fontaine que l'on va puiser l'eau si indispensable à notre bonne vie ?) A bientôt.
...à méditer en prenant le temps de le faire ! il me semble toujours bien d'actualité.
merci de me l'avoir fait connaître et bonne journée Nadia !
bisous, Mireille
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Une fable différentes des traditionnelles et un peu difficile à comprendre. Bravo pour ton article , tu as du mérite de l'écrire en vieux français.Belle soirée, bisous Nadia