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Fable de Lafontaine (L’Âne et ses Maîtres)
L’Âne et ses Maîtres
Jean de La Fontaine
LIVRE SIXIÈME
L’âne d’un Jardinier ſe plaignoit au deſtin
De ce qu’on le faiſoit lever devant l’Aurore.
Les Coqs, lui diſoit-il, ont beau chanter matin ;
Je ſuis plus matineux encore.
Et pourquoy ? Pour porter des herbes au marché.
Belle neceſſité d’interrompre mon ſomme !
Le Sort de ſa plainte touché
Luy donne un autre Maiſtre ; & l’Animal de ſomme
Paſſe du Jardinier aux mains d’un Corroyeur.
La peſanteur des peaux, & leur mauvaiſe odeur
Eurent bien-toſt choqué l’impertinente Beſte.
J’ay regret, diſoit-il, à mon premier Seigneur.
Encor quand il tournoit la teſte,
J’attrapois, s’il m’en ſouvient bien,
Je ſuis plus matineux encore.
Et pourquoy ? pour porter des herbes au marché.
Belle néceſſité d’interrompre mon ſomme !
Le ſort de ſa plainte touché
Luy donne un autre Maître ; et l’Animal de ſomme
Paſſe du Jardinier aux mains d’un Corroyeur.
La peſanteur des peaux, et leur mauvaiſe odeur
Eurent bientôt choqué l’impertinente Bête.
J’ai regret, diſoit-il, à mon premier Seigneur.
Encor quand il tournoit la tête,
J’attrapais, ſ’il m’en ſouvient bien,
Quelque morceau de chou qui ne me coûtoit rien.
Mais ici point d’aubaine ; ou, ſi j’en ai quelqu’une,
C’eſt de coups. Il obtint changement de fortune,
Et ſur l’état d’un Charbonnier
Il fut couché tout le dernier.
Autre plainte. Quoi donc ! dit le Sort en colère,
Ce Baudet-ci m’occupe autant
Que cent Monarques pourraient faire.
Croit-il être le ſeul qui ne ſoit pas content ?
N’ai-je en l’eſprit que ſon affaire ?
Le Sort avoit raiſon ; tous gens ſont ainſi foits :
Notre condition jamais ne nous contente :
La pire eſt toujours la préſente.
Nous fatiguons le Ciel à force de placets.
Qu’à chacun Jupiter accorde ſa requête,
Nous lui romprons encor la tête.Fables de La Fontaine : Barbin & Thierry | Georges Couton
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L’Âne et ses Maîtres
L'Ane d'un Jardinier se plaignait au destin
De ce qu'on le faisait lever devant l'Aurore.
Les Coqs, lui disait-il, ont beau chanter matin ;
Je suis plus matineux encor.
Et pourquoi ? Pour porter des herbes au marché.
Belle nécessité d'interrompre mon somme !
Le sort de sa plainte touché
Lui donne un autre Maître ; et l'Animal de somme
Passe du Jardinier aux mains d'un Corroyeur.
La pesanteur des peaux, et leur mauvaise odeur
Eurent bientôt choqué l'impertinente Bête.
J'ai regret, disait-il, à mon premier Seigneur.
Encor quand il tournait la tête,
J'attrapais, s'il m'en souvient bien,
Quelque morceau de chou qui ne me coûtait rien.
Mais ici point d'aubaine ; ou, si j'en ai quelqu'une,
C'est de coups. Il obtint changement de fortune,
Et sur l'état d'un Charbonnier
Il fut couché tout le dernier.
Autre plainte. Quoi donc ! dit le Sort en colère,
Ce Baudet-ci m'occupe autant
Que cent Monarques pourraient faire.
Croit-il être le seul qui ne soit pas content ?
N'ai-je en l'esprit que son affaire ?
Le Sort avait raison ; tous gens sont ainsi faits :
Notre condition jamais ne nous contente :
La pire est toujours la présente.
Nous fatiguons le Ciel à force de placets.
Qu'à chacun Jupiter accorde sa requête,
Nous lui romprons encor la tête.=======================
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Commentaires
J'aime beaucoup les fables de la fontaine. J'ai trouvé de vielles affiches de fables illustrées. Je les ai encadrées et mises dans mon escalier. Bises
Bonjour Nadia,
....encore une fable pleine d'actualité et à méditer!
Bon mercredi, bises, Mireille
bonjour Nadia je ne le connais pas cette fable, mais il en a écrit tellement ! la version oroginale n'est pas mal du tout!!! parfois un peu dure à comprendre. bonne journée bisous
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on la connait moins celle-là